Soft skills : vers une prévalence dans le « monde d'après » ?

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Les soft skills sont des compétences clés pour le travail de demain, à titre individuel et pour les organisations : le WEF ou le BIT [1] se sont prononcés en ce sens, avant la crise sanitaire. Loin de cette vision macro, collaborateurs, managers et dirigeants ont expérimenté leur rôle durant la période de confinement. Alors, impact stratégique ou mineur ? Sont-elles l’alpha et l’oméga d’un futur du travail peut-être déjà amorcé ? Focus sur les enseignements de la crise en la matière – et perspectives.

Les soft skills, des compétences visées par les entreprises de manière contrastée

Sondages et études ont témoigné ces derniers mois de l’importance croissante accordée aux soft skills dans le monde professionnel, en matière de recrutement notamment ou dans le cadre de la formation professionnelle. Une enquête récente, menée en contrepoint du baromètre de la formation et de l’emploi de Centre Inffo, offre des indications notables : si 75 % des répondants n’ont « jamais entendu parler des soft skills », une fois la notion définie ils sont 72 % à les estimer « indispensables ou importantes » pour évoluer professionnellement. L’accès à des formations dédiées s’avère toutefois inégal : 46 % des répondants des fonctions Direction générale / Stratégie, et 43 % des cadres, en ont déjà suivies là où 47 % des professionnels des fonctions Gestion / Administratif, et 45 % des employés, n’en ont jamais bénéficié. Conséquence sans doute de ces disparités et du manque de connaissances des méthodes d’évaluation existantes (les tests psychométriques par exemple), une étude OpinionWay pour Dropbox menée en février 2020 révèle la méfiance d’une majorité de répondants à leur égard, toutes catégories socio-professionnelles confondues. 67 % d’entre eux estiment en effet qu’une évaluation « fondée uniquement sur les compétences comportementales », relèverait de « l’arbitraire ». En parallèle, la formation initiale contribue à son tour au développement des soft skills. En témoigne le lancement du programme So Skilled par les universités Paris Nanterre et Paris 8, conjointement avec l’INSHEA. Ou le nombre d’heures d’enseignement attribuées en Master en Management (ESCP Europe par exemple), ou encore l’accent mis sur ces compétences via le département Soft Skills et Transversalité du Pôle Léonard de Vinci.  

En télétravail full remote ou en contexte incertain, des soft skills spécifiques s'avèrent indispensables

Confinement et déconfinement progressif vont-ils confirmer cette tendance à la hausse, ou l’infléchir ? Une étude menée par l’EM Normandie sous la houlette de Jean Pralong [2], nous renseigne sur les compétences mises en exergue par le télétravail à temps complet, dans l’optique d’un maximum d’efficacité professionnelle et de réussite. Sachant que le télétravail à temps partiel se distingue du full remote par le maintien de liens sociaux « classiques », grâce notamment à la communication informelle les jours de présence dans l’entreprise. Dans un contexte de télétravail à temps complet, quelles compétences les collaborateurs observés sur plusieurs années ont-ils mobilisées pour remplir leurs missions, tout en s’épanouissant ? 6 soft skills se démarquent : comprendre son organisation ; comprendre les besoins d’autrui ; résoudre un problème complexe ; identifier des personnes ressources ; se connaître ; promouvoir. Et deux d’entre elles s’avèrent décisives selon Jean Pralong : la capacité à promouvoir (ou marketing de soi) – pour partager ses expériences et projets même à distance et ainsi, nourrir les liens avec le collectif – et celle de comprendre les besoins d’autrui (empathie), afin de saisir les signaux faibles et les bribes d’information pouvant faire sens. Quid des collaborateurs ayant continué à se rendre sur leur lieu de travail durant la période de confinement ? Leurs compétences soft skills ont été pleinement engagées. En effet, impossible de naviguer dans ce flot d’incertitudes sans faire preuve d’un minimum de mise en perspective et donc, de pensée critique ! Des compétences telles que l’empathie, la communication ou la connaissance de soi ont également été fortement sollicitées pour apporter ou oser demander du soutien lorsque l’inquiétude était trop vive – dans un contexte de travail au contact du public. Rappelons que les mesures de protection des personnels n’ont pas été pleinement opérationnelles immédiatement.  

De nouvelles configurations du travail inenvisageables sans un socle de compétences transversales

Les concepts de travail de demain ou de smart factory sont apparus avant la crise sanitaire. Vus comme une recomposition des modes de travail et de production alliant innovation technologique (IA, Internet des objets, réalité augmentée – entre autres) et excellence humaine, ils actent ou visent une productivité accrue ainsi qu’une réduction des coûts de production. Dans cette perspective, le développement des compétences des collaborateurs devient une priorité, pour leur permettre de s’adapter à des évolutions récurrentes, notamment technologiques. Ces compétences peuvent être de nature technique, numérique, cognitive, émotionnelle et comportementale. Car l’évolution technologique génère une reconfiguration des modes / des espaces / des relations de travail. Ce que l’on observait déjà – et que l’on anticipait – serait-il devenu réalité via la pandémie de SARS-CoV-2 ? Le DG de Dropbox France, Thibaut Champey, en est persuadé. Dans un avis d’expert publié récemment, il revient sur ce que l’on retrouve dans la quasi-totalité des entreprises lors du confinement : une indispensable « adaptation de la culture du travail ». Or ce sont bien les soft skills de chaque collaborateur qui ont permis cette réorganisation personnelle et collective, dans l’urgence. Et l’on n’en est sans doute qu’aux prémices de cette adaptation, aux allures de mutation. Au-delà du télétravail et même du full remote, la pérennité d’une organisation dépend désormais de sa capacité à se « reconfigurer » en temps réel ou presque ! Car de multiples sources d’incertitudes demeurent. Dès lors, certaines soft skills décisives durant le confinement, ont vocation à jouer les premiers rôles : communication, coopération, autonomie, empathie… entre autres. Un management teinté de co-construction, de coaching, de bienveillance, de confiance – et d’exigence. Pour Thibaut Champey néanmoins, les entreprises ne devront pas se contenter d’établir « une liste à la Prévert » des soft skills à posséder. Mais plutôt identifier celles qui correspondent « à leur culture et au sens de leur action ». De là à imaginer que chaque organisation soit appelée à définir son propre référentiel de soft skills prochainement…  

[1] WEF : Forum Économique Mondial. BIT : Bureau International du Travail.
[2] Psychologue, professeur et chercheur en gestion des ressources humaines (titulaire de la chaire Compétences, Employabilité et Décision RH à l’EM Normandie), Jean Pralong est également directeur de la recherche du Lab RH, et auteur.
 

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