Les soft skills au service de la reconfiguration des organisations : questions-réponses

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Le confinement a mis en exergue le rôle central des soft skills dans la capacité de réorganisation en urgence des collectifs de travail. Comment adresser cet enjeu clé, à l’heure de la reprise et au-delà ? Quelle est l’influence de l’environnement de travail au sens large ? Quels dispositifs adopter pour accompagner le développement humain des collaborateurs ? Questions-réponses autour du webinar dédié de Monster, et du livre blanc Bâtir le futur des métiers de l’Observatoire des Métiers du Futur [1].

1 – 85 % des élèves actuels exerceront une activité professionnelle qui n’existe pas encore [2] : la notion de métier est-elle dépassée ?

Avant de répondre, reprenons la formule de Philippe Burger, Associé Capital humain chez Deloitte, pour lequel « un métier n’est pas un process, mais une finalité ». Selon les professionnels RH interviewés par l’Observatoire des Métiers du Futur dans son livre blanc, à l’avenir on ne gérera plus spécifiquement des « postes » ou « titres » mais des portefeuilles de compétences correspondant à des missions. Michel Barabel, Professeur Affilé à Sciences Po Paris, directeur des éditions du LabRH et rédacteur en chef adjoint du MagRH [3], considère même que « tout le monde demain devra se positionner comme un chercheur pour réfléchir au futur, un consultant pour gérer ses missions, un intermittent du spectacle [pour] passer d’un projet à un autre ». D’où la nécessité de « se confronter à des mondes parallèles afin d’apprendre les uns des autres ». Dans cette perspective, Stéphanie Fraise, VP Global Talent Management chez BlaBlaCar, anticipe « une  rupture forte pour les RH. L’automatisation des tâches de base qui change les métiers, force [les organisations] à se concentrer sur les sujets à haute valeur ajoutée. L’ambition est d’arriver à faire du matching inversé : à partir des compétences individuelles, quel poste, quelle mission sur laquelle il y a un besoin peut-on proposer ? ». Sachant qu’en évoquant le futur, les auteurs du livre blanc ont fixé l’horizon à 5 ans. En effet, en fonction des secteurs d’activités ou des usages pris en compte, les « temporalités » divergent. La crise sanitaire que nous venons de vivre a par ailleurs accéléré les changements.  

2 – Comment définir une compétence ? À quoi correspondent précisément les soft skills ?

Cerner les multiples dimensions de la compétence constitue un exercice périlleux. D’une entreprise à l’autre déjà, cette notion est appréhendée différemment. Lors du webinar Les softskills à développer au sein de vos équipes pour une reprise efficace et durable de Monster, Biljana Zaric, Directrice développement du potentiel humain chez HR Consultancy Partners, a retenu la proposition de Guy Le Boterf : « La compétence est la capacité d’un individu à accomplir des tâches en mobilisant les ressources appropriées parmi celles acquises au préalable lors de sa formation ou à l’occasion d’expériences précédentes : une compétence est un savoir-faire en situation ». Dès lors, une compétence peut s’exprimer et s’exercer concrètement moyennant le fait de :

  • Savoir agir – être en mesure de mobiliser et de combiner des ressources internes/externes au moment adéquat et dans de justes proportions ;
  • Vouloir agir – disposer d’une motivation personnelle pour passer à l’action dans un contexte donné, lui-même plus ou moins incitatif ;
  • Pouvoir agir – évoluer dans une organisation du travail, via des modes de management et dans des conditions sociales, qui rendent possibles et légitimes la prise de responsabilité et le passage à l’action.

Quid des soft skills, ces compétences transversales peu connues des salariés puisque 70 % d’entre eux n’en ont jamais entendu parler [4] ? Biljana Zaric souligne leur importance critique pour la performance, comme l’ont montré les études Microsoft, IBM ou Cisco dans les années 1990. 4 soft skills en particulier font consensus, les fameuses 4C [5] : Créativité ; Pensée Critique ; Communication ; Coopération. D’autres soft skills clés – adaptabilité, sens de l’initiative, leadership – ont émergé plus récemment, sans toujours faire l’unanimité. D’autres encore – résilience, flexibilité mentale – jouent les premiers rôles en contexte incertain. De nature cognitive, comportementale et émotionnelle ou « citoyenne [6] », elles nous permettent de comprendre et d’apprendre, d’interagir avec notre environnement, de décrypter nos émotions et celles d’autrui, de mettre en perspective, et de déterminer les actions nécessaires dans une situation donnée.  

3 –  Quelle est la valeur ajoutée des soft skills par rapport aux compétences techniques ou hard skills ?

Il ne s’agit pas d’opposer ces deux types de compétences, chacune restant essentielle pour réaliser son activité professionnelle avec un maximum d’efficacité ! Néanmoins, l’obsolescence programmée de certains métiers génère de fait une obsolescence accélérée d’un grand nombre de hard skills. En parallèle, pour les organisations, la capacité à « se reconfigurer » en temps réel (ou presque) constitue désormais le sésame de la pérennité ! La récente période de confinement l’a illustré : les soft skills de chaque collaborateur – de l’autonomie à la gestion du temps et des priorités, de l’écoute active à l’empathie et à l’intelligence émotionnelle en général – ont rendu possible une réorganisation personnelle et collective dans l’urgence. Or, aujourd’hui, de multiples sources d’incertitude demeurent. Par ailleurs, l’évolution de l’organisation du travail et la digitalisation de celui-ci ont mis les interactions au cœur de l’efficacité professionnelle. Dès lors, la compétence Apprendre à apprendre devient décisive à la fois pour acquérir de nouvelles compétences techniques en continu et pour développer son portefeuille de compétences soft skills. Celles-ci sont en effet les seules à même de créer des « passerelles » entre les différentes activités à exercer. Et elles seront « durables » ! Non liées à un métier en particulier, elles peuvent être mobilisées dans des situations professionnelles transversales : le travail en équipe ; le travail au contact du public ; le travail sous pression – par exemple. Contextes dans lesquels entrent en jeu la capacité à coopérer, la capacité à communiquer ou celle de gérer le stress au quotidien. In fine, la combinaison de certaines soft skills (à « réajuster » selon les besoins), permet de s’adapter à un grand nombre d’évolutions. Un point de vigilance néanmoins : 50 % des répondants à l’enquête de l’Observatoire du Futur des Métiers [7] estiment que leurs collègues ne sont pas dotés des compétences transversales requises pour l’avenir. Cela laisse entrevoir un effort accru à réaliser en matière de formation.  

4 – Comment faire des soft skills un axe de développement pour les individus et les organisations ?

Bien que convaincues de l’impact des soft skills sur l’efficacité individuelle et collective, de nombreuses organisations peinent à passer à l’action. En cause notamment, la difficulté à évaluer ces compétences chez leurs collaborateurs ou futures recrues. Pour Biljana Zaric de HR Consultancy Partners, l’Assessment Center propose une méthodologie rigoureuse et fiable d’évaluation grâce aux tests psychométriques notamment (individuels, en binôme ou collectifs). En combinant l’observation des comportements et une multi-évaluation faite de mises en situation professionnelles, d’entretiens structurés et de questionnaires ou tests professionnels, la fiabilité prédictive de la réussite d’un candidat à un poste est de 63 %. Elle est de 15 % pour les entretiens informels, de 30 % pour les entretiens structurés et de 10 % seulement pour les CV ! Si les outils d’évaluation du marché méritent d’être mieux connus, l’étape suivante concerne le développement de ce type de compétences et leur mobilisation. Or, dans une enquête Monster consacrée aux soft skills préférées des recruteurs, 70 % des entreprises répondantes déclaraient ne pas disposer des modules de formation requis pour développer les soft skills de leurs salariés. Selon Stanislas Dehaene, neuroscientifique titulaire de la chaire Psychologie cognitive comportementale au Collège de France, l’acquisition d’une nouvelle compétence est facilitée par 4 facteurs :

  • L’attention, afin de percevoir la réalité qui nous entoure ;
  • L’engagement actif via la mise en pratique, pour insuffler une motivation accrue à apprendre ;
  • Le retour d’information, de préférence via un feedback immédiat – plus le retour est rapide, plus la correction d’une erreur éventuelle sera pérenne ;
  • La consolidation, qui équivaut à un processus de traitement inconscient du cerveau et est rendue possible par la répétition de l’apprentissage et sa mise en pratique.

On le comprend, le développement des soft skills ne passe pas uniquement par le déploiement de sessions de formation mais aussi, par une évolution des modes de management incluant le droit à l’erreur et la culture du feeback – dans une perspective de développement et non de sanction [8]. Le recours à des pratiques collaboratives et le socle de confiance établi avec les équipes sont également favorables à l’expression des soft skills. Un outil tel que la méthode SPARC – qui favorise la résilience individuelle et collective en s’appuyant sur la déprogrammation cognitive notamment (passer de réactions automatiques à des comportements adaptatifs) – peut être mobilisé dans tout type de contextes. Au-delà de cette implication managériale indispensable, le rôle des salariés s’avère décisif. L’hygiène de vie et le respect du biorythme permettent en effet d’exercer ses soft skills dans de bonnes conditions (sommeil, fréquence des pauses, cohérence cardiaque, pleine conscience). Moyennant une réelle coordination, le développement d’une culture soft skills constitue l’un des leviers majeurs d’une reconfiguration impactante et durable des organisations.  

[1] Le webinar Les softskills à développer au sein de vos équipes pour une reprise efficace et durable est accessible en replay. Il a été animé par Romain Giunta, Responsable Marketing Monster France, et Biljana Zaric, Directeur développement du potentiel humain au sein du cabinet RH du groupe Randstad, HR Consultancy Partners.
Le livre blanc Bâtir le futur des métiers, 7 propositions pour booster l’employabilité est téléchargeable sur le site de l’Observatoire des Métiers du Futur, un think tank qui agit en faveur de l’employabilité en France en analysant les tendances de l’évolution des métiers.
[2] Institut du Futur et Dell, rapport 2017. L’horizon envisagé était alors 2030.
[3] Michel Barabel est également Professeur à l’IAE Gustave Eiffel. On lui doit une quinzaine d’ouvrages consacrés aux ressources humaines et au management.
[4] Enquête OpinionWay pour Dropbox, mars 2020.
[5] Jérémy Lamri propose une analyse pluridisciplinaire des 4C dans son ouvrage Les compétences du 21e siècle, publié fin 2018.
[6] Le qualificatif « citoyen » est repris des propos de Biljana Zaric lors du webinar Monster.
[7] Questionnaires mis en ligne de novembre 2019 à mars 2020, pour un total de 302 répondants issus de secteurs d’activités variés. 92 % sont cadres, 72 % ont 10 ans ou plus d’expérience professionnelle et 36 % travaillent dans des entreprises comptant au moins 1000 salariés.
[8] On parle ici de feedback positif et de feedback correctif.

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