Préserver les ressources cognitives et sociales des salariés, enjeu clé du travail de demain

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La pratique du télétravail confiné nous a conduits à faire évoluer nos modes de travail, dans un environnement professionnel différent bien que familier. Tandis que la collaboration et la communication à distance s’organisaient via un recours intensif aux outils digitaux, la distanciation physique nous privait des contacts de proximité nécessaires à notre équilibre. D’où l’intérêt d’évaluer l’état de nos ressources cognitives et sociales à l’heure de la sortie de crise, et de déterminer comment les préserver. Focus sur l’étude du cabinet Cog’X [1], spécialiste des sciences cognitives.

Les chiffres des ressources cognitives et sociales des collaborateurs en télétravail prédominant [2], au sortir du confinement

Pour évaluer un niveau de ressources ne relevant pas du simple ressenti, l’équipe de docteurs en neurosciences et en psychologie cognitive de Cog’X a déterminé 4 variables contribuant ou non à l’efficacité professionnelle et à la sérénité au travail. Il s’agit :

  • De la surcharge mentale et émotionnelle ;

Quels sont les niveaux de charge mentale et d’anxiété ? Le collaborateur est-il en proie à des difficultés de concentration ?

  • De la lassitude ;

Quels sont les niveaux d’ennui et d’épuisement professionnel ?

  • Du capital social ;

Sachant que les relations sociales ont un effet bénéfique au niveau individuel et pour l’action collective.

  • De l’engagement.

On le caractérise ici par un état d’esprit proactif, un plein investissement dans les activités de travail, lesquelles génèrent un sentiment d’épanouissement. L’étude État des ressources cognitives et sociales des salarié·e·s : Comment réguler les modes de (télé)travail ? (réalisée en ligne du 30 avril au 11 mai 2020 auprès de 700 répondants) met en lumière de fortes disparités entre collaborateurs [3]. Ainsi, 29 % des répondants disposent d’un niveau de ressources cognitives et sociales qualifié de « favorable ». Leurs scores de capital social et d’engagement sont élevés, alors que leurs scores de charge mentale et de lassitude restent faibles. À l’inverse, l’état des ressources cognitives et sociales de 23 % des participants apparaît comme « défavorable », avec des scores de charge mentale et de lassitude importants, ainsi que des scores d’engagement faibles et de capital social moyens. 48 % des répondants se situent à mi-chemin, avec des niveaux intermédiaires sur chaque variable. Ces disparités se traduisent dans les freins organisationnels perçus ou dans les difficultés à sortir d’un schéma d’organisation du travail « connu » pour adopter de nouvelles pratiques. Au vu de ces résultats, les entreprises ont intérêt à identifier les salariés, les équipes, les services, en situation de fragilité. Tout recours à des mesures organisationnelles ou managériales uniformes semble peu opportun.  

Multiplication des sollicitations digitales, rythmes de travail plus denses, apprentissage favorisé, tels sont les ingrédients plus ou moins savoureux des modes de travail confinés

Durant ces deux mois, 59 % des télétravailleurs indiquent avoir renouvelé leurs modes de travail ; ils souhaitent désormais pouvoir les conserver. Selon eux, cette évolution influe favorablement sur les 4 variables prises en compte dans l’étude pour déterminer le niveau de ressources cognitives et sociales. Le « mode de travail » agrégeant différents paramètres, il convient de se demander quelles pratiques ont concrètement évolué. Et l’étude de Cog’X nous réserve une surprise : en effet, 37 % des répondants estiment avoir appris « davantage de nouvelles choses » depuis le confinement, 19 % se déclarant dans la situation inverse. À noter que les collaborateurs disposant d’un niveau de ressources cognitives et sociales favorable ont eu largement recours aux ressources de formation partagées par leur entreprise. Toutefois, de nombreuses demandes, de formation aux outils de travail à distance et de possibilités de formation à distance, ont été émises. 45 % des répondants estiment avoir appris de manière autonome, à partir de ressources trouvées hors de l’organisation. D’autres évolutions moins appréciables ont eu lieu. Ainsi, de trop fortes sollicitations numériques (appels, visio, mails, chat) ont freiné l’activité de 38 % des répondants. Certains parlent de « sollicitations constantes » quand d’autres observent qu’elles ont été « plus importantes » qu’avant le confinement. Nos ressources cognitives n’étant pas illimitées, des interruptions trop fréquentes génèrent de la fatigue mentale, altérant également nos facultés de concentration. La gestion cumulée du télétravail et des enfants, avec l’école à la maison, est par ailleurs signalée comme un frein notable à l’activité professionnelle. Autre point de vigilance, l’intensification des rythmes de travail. Durant le confinement, 44 % des télétravailleurs ont ainsi étendu leurs plages horaires de travail. 41% des répondants estiment en outre s’être moins « déconnectés du travail » en dehors des temps dédiés. Ceci est particulièrement vrai chez les personnes au niveau de ressources cognitives et sociales défavorable. Or les temps de récupération quotidiens, tout comme les « coupures » du soir et du week-end, contribuent à l’efficacité professionnelle dans la durée, ainsi qu’à la qualité de vie et à la santé. Les organisations doivent prendre conscience des injonctions – individuelles et parfois structurelles – à rester connectés en dehors du temps de travail qui pèsent sur leurs effectifs. Autre paramètre, la qualité des relations professionnelles, informelles et formelles, qui contribue à la performance. Au-delà des interactions de type mails ou réunions, le manque d’échanges informels est apparu comme un frein organisationnel majeur pour 37 % des répondants. Est également citée par 22 % des salariés interrogés, l’absence de communication de la part de la direction (notamment « l’absence de communication sur la reprise ») et d’objectifs clairs de la part de la hiérarchie. Dans la continuité, 32 % des répondants considèrent que leur équipe a « moins bien interagi » à distance, tandis que 22 % notent au contraire une amélioration. Sachant que les personnes disposant de ressources cognitives et sociales favorables dominent largement dans ce second groupe. Dès lors, le rôle de la direction et du management dans la préservation de l’équilibre cognitif et social des collaborateurs apparaît nettement, selon qu’ils leur aient ou non apporté un soutien actif. Pour la suite, différentes actions organisationnelles ou managériales semblent requises : régulation des pratiques de collaboration digitale, définition de règles communes relatives à l’amplitude horaire des sollicitations professionnelles – notamment.  

Quelles perspectives pour la reprise et le travail de demain, selon le niveau de ressources cognitives et sociales des salariés ?

Sachant que le « travail de demain » est peut-être celui d’aujourd’hui ! Et qu’il a commencé à se dessiner lors du confinement. Durant cette période inédite en effet, les collaborateurs ont dû revoir leurs modes de travail en toute autonomie ou presque, par la force des choses. Expérimentant au fil de l’eau, autorégulant leurs pratiques, ils souhaitent désormais participer pleinement à la réflexion sur l’organisation du travail dans leur entreprise. 49 % des répondants de l’étude Cog’X envisagent d’ailleurs cette consultation comme « très importante », voire « prioritaire » ! Dès lors, comment procéder ? Les entreprises vont devoir trouver la manière la plus pertinente d’associer leurs collaborateurs aux décisions à prendre. Le retour sur site, à temps partiel ou complet, constitue un premier test. Car les attentes des collaborateurs s’avèrent contrastées ! Si la sécurité sur le lieu de travail vient en tête des préoccupations d’une majorité de répondants (39 %), la possibilité de continuer à télétravailler (26 %) ou de bénéficier de rythmes de travail adaptés (25 %) est également très présente. On constate une nouvelle fois de grandes disparités selon que les télétravailleurs disposent d’un niveau de ressources cognitives et sociales favorable ou non. En ce qui concerne l’évolution des modes de travail précisément, plusieurs méthodes peuvent être envisagées : des « ateliers de projection » collective, des expérimentations par équipes ou services… Avec comme fil rouge la nécessité de prendre soin des salariés sur le plan cognitif et social. Le care va-t-il constituer un nouvel axe stratégique pour les organisations, au niveau du management notamment ?   Précipitée par le confinement, l’évolution des modes de travail et de collaboration doit désormais faire l’objet d’arbitrages. Dans cette perspective, il est important de prendre en compte la « variabilité » des ressources cognitives et sociales dont disposent les individus ainsi que les leviers susceptibles de leur éviter de les dilapider. Car l’efficacité professionnelle, le bien-être au travail, l’engagement, en dépendent. Ce faisant, la « consolidation » économique des entreprises et leur pérennité, également.      

[1] Le cabinet de conseil et d’étude Cog’X a été cofondé par Gaëtan de Lavilléon, Marie Lacroix, Emma Vilarem, tous trois docteurs en neurosciences, Pierre Bonnier, expert en étude utilisateur, Olivier Charbonnier et Hugo Bertacchini, experts en transformation.
[2] Parmi les répondants, 77 % ont télétravaillé 5 jours par semaine, 12 % étaient en télétravail réduit, et 8% en alternance avec des journées sur le lieu de travail.
[3] Les auteurs de l’étude précisent que celle-ci consiste en une « photographie », et non une étude d’impact. Établir des liens de cause à effet nécessiterait en effet de croiser les informations recueillies avec d’autres, relevées dans des contextes « approchants » ou non, sur un panel de collaborateurs similaire et à des périodes données, etc.

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